Pourquoi Picon ? – Parce que c’est bon !

Il y a tant à dire sur l’immeuble Picon construit par l’architecte Louis Peyron en 1886 ! Il occupe un bloc d’immeubles conséquent, du 7 au 9 boulevard National, puis du 57 au 61 rue du Coq et 34 au 38 rue de la Rotonde , et nous lui consacrons de petites chroniques en plusieurs épisodes, à commencer par l’histoire de l’apéritif Picon… librement inspirée de l’ouvrage de Laurent Chollet « L’Algérie de ma mémoire ».

Pourquoi Picon ? Parce que c’est BON, disait la publicité faite pour cet apéritif, élaboré non pas dans le Nord de la France où il reste majoritairement consommé de nos jours, mais en Algérie pour la première fois.

Quand la famille Picon quitte la province de Gênes en 1815 pour s’installer à Marseille, le jeune Gaétan effectue sa scolarité comme apprenti dans une distillerie. Mais à 21 ans, son esprit d’aventure le pousse à s’engager comme artilleur en Algérie.

Atteint de paludisme, il concocte, pour se soigner, une mixture à base d’eau de vie et de fruits aisément disponibles sur place : les oranges. En effet, quelques zestes d’oranges séchées et macérées dans une solution d’alcool puis distillés, avant d’ajouter des racines de gentiane et du quinquina (également macérées) donnaient à cette tisane la faculté d’assainir l’eau polluée que les soldats buvaient. Averti de cette découverte, le général Valée, qui commande l’artillerie et le génie de Constantine, ordonne la fabrication massive du breuvage du soldat Picon, dans l’intérêt de ses troupes.

En 1832, libéré de ses obligations militaires, Gaétan Picon s’installe à Philippeville (actuelle Skikda en Algérie) et crée une distillerie de fortune. Les Philippésiens ne tarderont pas à adopter son tonic qui rend l’eau potable. Devant ce succès, il crée son entreprise en 1837 et lance l’amer algérien qui deviendra l’amer Picon. Quand en 1862, le gouvernement français invite les industriels français à participer à l’Exposition universelle de Londres, Gaétan Picon est sollicité pour y présenter sa production, mais contre tout attente, il ne donne pas suite à l’invitation. Jean-Baptiste Nouvion, alors sous-préfet de Philippeville, passera outre ses réticences et expédiera une caisse de l’amer algérien. Le breuvage obtiendra une médaille de bronze, ce qui contribuera à l’essor de la marque.

La consommation du Picon se propagera en métropole avec le retour des troupes qui chercheront à s’approvisionner de leur boisson favorite. C’est ainsi qu’à partir de 1872, l’amer Picon sera produit par la grande distillerie du boulevard National à Marseille, puis à Rouen, Bordeaux, Levallois-Perret, Lyon, Orléans et dans toutes les grandes villes d’Europe. A Alger, la société Picon ouvre une usine destinée à prélever l’écorce sur les fruits dont les effluves ont inspiré Albert Camus et Marcel Pagnol. En 1962, Henri Verneuil popularisera l’association du Picon et de la bière grâce au film Un singe en hiver.

Titré à 21 degrés, l’amer Picon sera abaissé à 19 degrés en 1989, au grand dam des amateurs, sans changer pour autant le goût du breuvage qui coulait dans le bidon des zouaves du général Valée.

O.M.

Le GLAP proposera une dégustation de picon-bière dans un bar du quartier lors de sa déambulation sur le thème de « Marseille Porte de l’Orient », consacrée à la découverte du patrimoine industriel du quartier (Dimanche de la Canebière du 25/02/2018 et 29/04/2018).